La victoire de Cellou, la défaite de la junte
L’élection présidentielle, qui devait constituer pour la junte au pouvoir un test de popularité et l’occasion d’enterrer définitivement une classe politique dont elle ne veut plus entendre parler, s’est retournée contre ses promoteurs. Loin de légitimer un pouvoir acquis par la force et de consacrer le parjure, ce scrutin a eu l’effet d’un véritable boomerang, se révélant être un désaveu cinglant pour les autorités actuelles.
Les électeurs guinéens, comme un seul homme, se sont détournés d’un scrutin perçu comme une mascarade. Les bureaux de vote ont été littéralement désertés ; les votants étaient aux abonnés absents. Même les soutiens les plus zélés de la junte reconnaissent, la mort dans l’âme, le revers électoral, matérialisé par un taux d’abstention historique.
Or, chacun sait que pour l’hyper-candidat et ses partisans, l’enjeu principal n’était pas la victoire, acquise d’avance, mais bien le taux de participation. À cet égard, la désillusion est totale. Même le référendum précédent, pourtant marqué par un faible engouement, avait enregistré une affluence supérieure à celle de cette présidentielle, qui s’est déroulée dans le calme d’une indifférence quasi royale.
Ce dimanche 28 décembre 2025 a ainsi pris l’allure d’un référendum tacite pour ou contre la candidature imposée de Mamadi Doumbouya. Une autre question fondamentale se posait également : que vaut une élection présidentielle sans la participation de Cellou Dalein Diallo, éternel favori du scrutin ? Certains, notamment parmi des dissidents de son propre camp, ont voulu faire croire que l’absence de l’UFDG constituait un non-événement, que la disqualification de Cellou Dalein Diallo n’était qu’un épiphénomène.
Le peuple a tranché, froidement et sans ambiguïté. Faute d’armes pour s’opposer, il a choisi de ne pas accorder ses suffrages à des candidats de substitution ni à un chef d’État qu’il n’a ni choisi ni élu.
Les leaders les plus représentatifs de l’échiquier politique, au premier rang desquels le président de l’UFDG, El Hadj Cellou Dalein Diallo, arbitrairement exclus du jeu politique et de la compétition électorale, viennent ainsi de prendre une éclatante revanche. Alors qu’on annonçait leur marginalisation et leur prétendu désamour auprès de populations supposément acquises à la cause du pouvoir, le vote d’aujourd’hui révèle au monde entier que les Guinéens les portent toujours dans leur cœur et refusent de voter pour d’autres.
Ceux qui avaient rassuré Mamadi Doumbouya en lui promettant une adhésion massive, y compris dans les bastions de l’UFDG et d’autres partis solidement implantés, ont perdu la face. La magie n’a pas opéré. Ils doivent désormais reconnaître leur échec et s’excuser d’avoir nourri la surenchère et vendu des illusions.
Ni les effets de manche ni la propagande effrénée n’ont réussi à rallier des voix ou à provoquer la faillite des acteurs légitimes et des leaders historiques. L’ordre politique n’a pas été bouleversé, l’électorat n’a pas migré. Après les feux d’artifice politiques, les tournées folkloriques et les festivités populaires, la réalité s’est imposée à tous : une élection n’est pas un concours de danse et la politique n’est pas un cirque.
Privées de la liberté d’expression, du droit de défendre leurs convictions et de voter pour le candidat de leur choix, les populations opprimées ont opté pour une abstention massive, en attendant que leur volonté soit réellement prise en compte et que leurs droits soient pleinement reconnus. L’exclusion des prétendants les plus sérieux à la magistrature suprême constituait déjà, en soi, une lourde hypothèque sur la légitimité du scrutin. Avec l’abstention record désormais enregistrée, il apparaît clairement que l’ensemble du processus électoral, dévoyé dès le départ, est profondément remis en cause.
On sait désormais qui est légitime et qui ne l’est pas dans ce pays, au-delà des apparences, des incantations, de l’arrogance et de la vanité.
L’UFDG, les forces vives en général, El Hadj Cellou Dalein Diallo et ses pairs demeurent majoritaires dans le pays, comme les faits viennent de l’attester. Ce scrutin, loin d’asseoir la légitimité de la junte, met en lumière la désaffection et la défiance populaires à son encontre. Le pouvoir expose ses fragilités, révèle son isolement et apparaît plus vulnérable que jamais, tandis que l’UFDG et son président confirment qu’ils restent maîtres du terrain politique et profondément ancrés dans l’électorat.
Tel est pris qui croyait prendre.