SUITE ET FIN
Guinée indépendante renforça son soutien à tous les mouvement de libération ; elle inscrira même dans le préambule de sa constitution du 10 novembre 1958 que « le peuple et le gouvernement de la République de Guinée sont déterminés, totalement déterminés à assumer coûte que coûte à libérer les peuples d’Afrique encore colonisés, car la liberté guinéenne perdrait toute sa signification et sa portée si elle devait se restreindre à ses limites territoriales ».Ainsi tous les mouvements de libération qui le désiraient eurent leurs sièges à Conakry et reçurent les aides et soutiens nécessaires malgré les difficultés de toutes sortes que la Guinée rencontrait et ses faibles moyens.Ce soutien consistait en fourniture d’armes et de munitions, en contribution financière substantielle, en octroi de bourses d’études guinéennes et étrangères aux cadres et étudiants de ces mouvements dont le choix des bénéficiaires revenait aux structures appropriées des mouvements de libération ; entraînement des combattants dans divers camps militaires particulièrement à Kindia où presque tous les grands responsables de l’African National Congress (ANC) : Nelson Mandéla, Oliver Tambo, Govan MBéki, père de Thabo NBéki, , etc. firent leurs premières armes ;en outre, les cadres de tous les mouvements de libération, même ceux qui n’étaient pas accrédités en Guinée, mais qui le désiraient, disposaient de tous les documents officiels guinéens, le passeport diplomatique en particulier, pour faciliter leur déplacement à l’étranger; leur participation comme membres des délégations officielles guinéennes à différentes rencontres internationales afin qu’ils puissent mieux informer l’opinion publique internationale sur l’état de leur lutte et leurs besoins divers, était chose courante.En outre, les cadres responsables de ces mouvements ou leurs délégués étaient réguliers à Conakry soit pour des conférences n atonales ou internationales, soit en mission de travail avec les autorités guinéennes : Amilcar Cabral, assassiné le 20 janvier 1973 à Conakry par la PIDE, Agostino Néto, Samora Moise Machel, etc., respectivement secrétaire général du Parti Africain de l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) créé le 19 septembre 1956, du Mouvement Populaire de Libération de l’Angola (MPLA), créé le 10 décembre 1956, du Front de Libération du Mozambique (FRELIMO) créé le 25 juin 1962.La Guinée ne limita pas sa contribution aux seules actions sus-énumérées ; elle envoya également à ses frais, des contingents militaires et des cadres civils dans divers pays attaqués parl’impérialisme et ses suppôts africains : deux bataillons armés et des cadres civils seront ainsi envoyés au Congo nouvellement indépendante et en proie à une guerre civile provoquée par la Belgique et ses hommes-liges congolais opposés au nationaliste Patrice Lumumba, qui fut arrêté et froidement assassiné à l’ acide par les belges .Quand l’Angola, qu’elle soutenait déjà, de février 1961 à juin 1975, dans sa guerre de Libération contre le Portugal, obtint son indépendance le 11 novembre 1975 et qu’elle fut attaquée par l’Afrique du Sud qui soutenait divers mouvements opposés au MPLA, en particulier l’Union Nationale pour l’Indépendance de l’Angola (UNITA) de Sawimbi, la Guinée envoya également des contingents militaires, toujours à ses frais, aux côtés des Forces Armées Populaires de Libération de l’Angola (FAPLA), la branche armée du MPLA. Ce qui a faire dire à Agostino Neto, premier président de l’Angola, « grâce aux décisions du Parti Démocratique de Guinée et du Président Ahmed Sékou Touré lui-même exprimant la volonté du peuple de Guinée, il ya des soldats guinéens qui se battent à nos côtés contre les mercenaires venus d’Afrique du Sud ».Les forces armées guinéennes ont participé aussi aux côtés des forces combattantes du FRELIMO contre les forces d’occupation portugaises jusqu’au 5 juin 1975, date d’indépendance du Mozambique. Comme le Président Agostino Neto, le Président Samora Moise Machel reconnaitra le sacrifice consenti par le peuple de Guinée pour la libération de son pays, en ces termes : « Nous devons dire que l’indépendance que nous avons conquise au Mozambique est due à l’aide de la République de Guinée comme il en a été de celle de la Guinée-Bissau. Nous voulons dire au peuple de la République de Guinée que les sacrifices qu’il a consentis ont porté fruit ».La Guinée a enfin soutenu les formations de lutte des pays où se pratiquait l’apartheid :Afrique du Sud, Zimbabwe, Sud-ouest Africain (Namibie actuelle), soutenu toutes les décisions de boycott et de condamnation prises contre l’Afrique du Sud, participé à la création du Comité Spécial de l’ ONU contre l’ Apartheid que présida pendant longtemps la représentante de la Guinée aux Nations Unie, Mme Jeanne Martin Cissé, qui fut également la première femme à présider le Conseil de Sécurité de l’ONU ; Présidente de la Conférence internationale de Solidarité avec la lutte des femmes contre l’ Apartheid, elle sera décorée le 5 novembre 1981 de la Médaille d’Or de l’ ONU pour sa contribution de qualité à cette lutte.Deux illustres présidents de la République sud-africaine reconnaitront également la contribution de qualité de la Guinée à la libération de leur pays.Le président Nelson Mandéla, qui reçut son premier passeport diplomatique en Guinée, note, dans ses mémoires, qu’il effectua une longue tournée dans divers pays d’Afrique, au début de leur combat, pour expliquer le sens de leur lutte et recueillir différentes contributions. « A Conakry, écrit-il, le Président Sékou Touré nous a proposé un bref séjour à Foulaya pour un apprentissage rudimentaire de maniement des armes, ne serait-ce qu’à titre d’autodéfense. ».Il accepta l’offre. Mais il tint à préciser au Président Ahmed Sékou Touré que leur « périple avait pour objet de solliciter une aide financière auprès des Etats africains indépendants au profit de l’ANC ». Il ajoute : « le président a promis que je recevrai sa commission par son garde de corps, une fois dans l’avion. Et quand j’ai ouvert la sacoche que je venais de recevoir des mains du capitaine Mamadou Bah, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’elle contenait deux cent mille dollars US, alors que jusque-là , nous ne recevions que cinq ou mille dollars US des autres donateurs. »Cette somme permit à l’ANC d’ouvrir leur premier compte bancaire en Suisse.Le 29 octobre 2004, c’est sous la Présidence du chef de l’Etat Thabo Eki que le prestigieux « ordre Suprême des compagnons d’Oliver Tambo » sera attribué, à titre posthume, au feu Président de la République Ahmed Sékou Touré« pour son exceptionnelle contribution à la liberté, à la paix et à la prospérité de l’Afrique » au cours d’une grandiose cérémonie qui eut lieu à Prétoria ; quand il vint à Conakry en 2006, il insista sur le soutien inconditionnel du Peuple de Guinée et de ses responsables d’alors à l’ANC.Mais comme nous le démontrons dans notre récent ouvrage, de toutes les colonies étrangères que la Guinée aida à se libérer, c’est la Guinée Bissau-Cap vert qui obtint plus de soutien politique et diplomatique, plus d’aide matérielle, financière et militaire ; le PAIGC disposa même de ses infrastructures sociales et scolaires, de sa radio, le Libertaçao.Sanctuaire et base-arrière du PAIGC du début de la lutte déclenchée le 23 janvier 1963 jusqu’à l’indépendance de la Guinée-Cap-vert proclamée le 24 septembre 1973 par son Assemblée nationale réunie à Boe, reconnue par l’ONU en novembre 1973 et définitivement acceptée par le Portugal le10 septembre 1974.Ce qui a fait dire à son secrétaire général adjoint, Aristide Péreira, « Sans cette arrière-garde, il n’y aurait pratiquement pas eu de lutte de libération nationale ».Il faut rappeler par ailleurs que devenue un obstacle infranchissable, la Guinée subira toutes sortes de provocations meurtrières de la part du Portugal qui tentera de liquider le régime en place et de décapiter le PAIGC afin de vaincre définitivement les forces combattantes de ce parti nationaliste.Les nombreuses tentatives de déstabilisation qu’ils avaient organisées avec les services spéciaux occidentaux contre la Guinée et ses dirigeants ayant lamentablement échoué, les opposants guinéens de l’extérieur et de l’intérieur voudront profiter de la situation pour liquider le régime guinéen.Certains de l’extérieur militaient pour une solution finale, une attaque militaire de grande envergure qui devra être fatale au régime guinéen : « une telle opération, dont le succès était certain, disaient-ils aux portugais, vous permettrait de liquider totalement le PAIGC » ; sur fond de trahisons envers d’autres éléments, ils travailleront secrètement avec les autorités portugaises. Regroupé au sein du Front de Libération nationale, ils échoueront lamentablement dans leur entreprise insensée. Ce qui provoqua des réactions réprobatrices même parmi d’autres opposants. Ainsi de cette condamnation, en 1972, d’Alpha Condé de l’agression suicidaire du 22 novembre 1970: « le prétendu FNLG apparaît désormais sous son vrai visage, celui d’un instrument des pires ennemis de l’Afrique, des milieux colonialistes les plus notoires ».Les conséquences désastreuses de cette aventure, dont les pendaisons du 25 janvier 1971 au Pont 8 novembre, sont encore vivaces chez de nombreux guinéens.Là aussi la Guinée tint à préciser le sens de son option politique dans son appui aux mouvements de libération nationale africains: quand le Conseil de Sécurité des nations Unies, après avoir condamné le gouvernement portugais le 8 décembre 1970 et exigé qu’il indemnisât intégralement la Guinée, le président Ahmed Sékou Touré signifia , dans une lettre, datée du 16 décembre 1970, au secrétaire général de l’ONU, U Thant, que la seule réparation que la Guinée accepterait serait la proclamation de l’ Indépendance des colonies portugaises : Angola, Guinée-Bissau-Cap-Vert, Mozambique, Sao Tomé et Principe.Il n’est donc pas étonnant que le secrétariat général de la panafricaine de la jeunesse ait été assuré successivement par quatre guinéens de 1962 à 1985, et celui de la panafricaine des femmes par Jeanne Martin Cissé de 1961 à 1974.Que retenir de cet exposé ?1er La Guinée a joué un rôle essentiel dans la création et le maintien de l’OUA.2eLa consécration de Telli Diallo à la tête de l’OUA, donc sa renommée sur le plan international a été, outre du fait de son mérite personnel, principalement l’œuvre de la Direction du PDG, en particulier Ahmed Sékou Touré qui l’avait proposée en 1964 et en 1968 et l’a soutenu tout au long de ses deux mandats. Cela est un fait établi et la tentative de l’édulcorer, de le travestir ou de l’omettre est patriotiquement condamnable, sauf si on ne s’estime pas guinéen.3eCommencées bien avant la création de l’OUA, la Guinée ne lésina pas sur les différentes formes d’aides et de soutien aux mouvements africains de libération nationale.D’où cette citation d’Ahmed Sékou Touré résumant le tout: « L’histoire retiendra le rôle joué par la Guinée dans ces efforts qui ont marqué un tournant décisif dans le processus de prise de conscience des peuples d’ Afrique , dans le processus de libération de maintes nations du continent et dans celui de réhabilitation de tous ».Une fois indépendants, tous ces pays ont tenu à entretenir des rapports diversifiés et excellents avec la Guinée; ils ont établi des relations diplomatiques dynamiques avec elle, obtenu des experts guinéens pour tous le secteurs qui en avaient besoin ;ils offrirent les plus beaux bâtiments pour la chancellerie et la résidence de l’ambassade guinéenne, entourant les ressortissants guinéens de hautes considérations et les protégeant de toutes injustices.Mais ce qui est regrettable c’est que les hommes qui ont pris le pouvoir le 3 avril 1984 et géré la Guinée de cette date au 22 décembre 2008, sertis par la haine, aveuglé par la recherche du démon argent s’étaient montrés irresponsables et légers dans leur campagne de dénigrement systématique d’Ahmed Sékou Touré pour justifier le coup d’ Etat ; le Comité militaire de redressement national devint très vite le Comité militaire de rejet national bazardant tous les acquis des 26 ans du peuple de Guinée, livrant le pays aux vautours et aux rapaces sous la pression de forces négatives extérieures qui les « ont aidés à prendre le pouvoir », pour reprendre l’un de ses membres ; manquant totalement d’expérience et ne se référant qu’au conseil des ennemis historiques de Sékou Touré, ils n’ont pas su tirer profit de cette contribution désintéressée du peuple de Guinée que ces anciennes colonies qui tenaient à rembourser en partie dans une coopération fructueuse qui nous aurait aidés à obtenir plus de bonheur et à conserver notre dignité. Ils n’ont même pas hésité à rappeler les experts guinéens, les ambassadeurs de Guinée en Angola et au Mozambique et abandonner les bâtiments qui nous avaient été offerts gratuitement pour nos représentations diplomatiques.Aussi, quand les Présidents Dos Santos d’Angola et Samora Moise Machel du Mozambique entendirent les délégués du CMRN déblatérer contre Ahmed Sékou Touré et le régime de la Première République, ils furent désagréablement surpris et déconcertés d’entendre des Guinéens se livrer à une telle bassesse, à tel point que le chef de l’Etat Mozambiquais n’a pas hésité d’affirmer un jour à des Guinéens en visite privée au pays que « le monde tourne désormais àl’envers en Guinée ».Aucun des dirigeants de ces pays n’a effectué une visite officielle en Guinée « pour ne pas cautionner la campagne hystérique injuste organisée par les autorités de votre pays contre Ahmed Sékou Touré auquel nous devons en grande partie notre indépendance », nous a-t-on dit à Pretoria en 2004 au cours d’entretiens avec des cadres del’ANC qui avaient pratiqué les cadres guinéens durant la lutte contrel’Afrique du Sud de l’apartheid ; la cérémonie de décoration des Présidents Gamal Abdel Nasser et Ahmed Sékou Touré à titre posthume était une obligation morale pour eux. On notera aussi qu’aucune invitation officielle n’a été adressée à un homme d’Etat guinéen durant cette période.Sans compter la pénible situation des ressortissants Guinéens dans ces pays ; ils ne bénéficièrent désormais d’aucune sollicitude du gouvernement guinéen, s’ils ne furent pas abandonnés à leur sort.
ÉCRIT PAR ABOUBACAR SIDIKI KOBÉLÉ KÉÏTA