Guinée: Un « dialogue national inclusif » est-il encore possible après l’enterrement de l’alternance démocratique ?

À l’entame il y’a lieu de comprendre que  « le dialogue véritable suppose la reconnaissance de l’autre à la fois dans son identité et dans son altérité». 

Ainsi, dans la situation actuelle de la Guinée, où l’état se livre depuis 10 ans à des assassinats ciblés, à des emprisonnements des opposants politiques à des violations graves des droits de l’homme et où l’alternance démocratique pacifique est devenue lettre morte, la nécessité d’un dialogue franc, inclusif précédé de conditions préalables, s’impose tout de même. 

Des conditions préalables au dialogue s’impose

Tout acteur politique lucide, sincère, doit avant tout s’assurer de l’existence des conditions préalables à un dialogue politique. Et ces préalables devraient être  dans le cas guinéen: la libération sans condition des prisonniers politiques, l’identification des responsables des tueries des jeunes martyrs et exiger le retour à la légalité constitutionnelle, mais aussi et surtout faire taire à jamais les sirènes de la haine, du mépris et de l’extrémisme. 

Et tout dialogue entamé sans le respect de ses préalables ne sera que du dilatoire et ne servira qu’au renouvellement du système mafieux mis en en place depuis 1958.. 

Donc il serait irresponsable de parler de dialogue politique inclusif en occultant ses problèmes auxquels la Guinée est depuis dix ans confrontée. 

Certes les acteurs politiques guinéens sont toujours allés au dialogue pendant ces dix dernières années et cela sans en tenir compte. 

Sauf que dans le contexte actuel où plus de 340 opposants sont devenus des prisonniers politiques du régime guinéen, tout acteur politique qui fera fi à cette situation pour dit-on aller à un dialogue avec le pouvoir de Conakry doit accepter l’accusation de complicité, voire de collaboration avec le mal. Il doit alors accepter d’être complice de cet État policier qui tue, brutalise, rend l’injustice légale. 

Un moyen de gagner en temps

Dialoguer avec un chef d’état dont la façon d’être, sa psychologie, ses réactions sont incompréhensibles et imprévisibles, c’est de lui permettre de gagner en temps et surtout l’aider à légitimer son pouvoir. 

Car les énièmes dialogues qui ont eu lieu entre les opposants politiques et le gouvernement guinéen n’ont jamais abouti à un réel résultat positif dans ce pays et cela a plutôt aidé le gouvernement guinéen de faire asseoir son pouvoir autoritaire. Cela prouve qu’en Guinée, si le dialogue est facile à mettre en œuvre, il n’est en revanche pas toujours le moyen le plus efficace pour régler les problèmes. 

Car le pouvoir en place considère souvent ce type de dialogue comme une manière de gagner du temps en offrant une concertation sous contrôle.

Nonobstant cet état de fait, le dialogue dans un pays comme la Guinée où les institutions étatiques sont très fragiles, est nécessaire pour le consensus. 

Mais à condition que les acteurs impliqués jouent un franc-jeu.

Or les acteurs politiques, notamment les tenants du pouvoir pour qui le dialogue est un moyen de reprendre du souffle afin de perpétrer les pratiques autoritaires n’ont jamais voulu jouer un franc-jeu. 

Le dialogue, une nécessité pourtant

Même s’il est difficile de dialoguer avec un gouvernement qui refuse d’élever la voix de l’humanisme, la puissance de la démocratie contre les forces de haines, de rejet, d’incompréhension, ou encore de juger de l’efficacité réelle de ces dialogues, toutefois ceux-ci sont dans ces moments de crise d’une impérieuse nécessité. 

Certes un régime tel que celui guinéen a du mal à faciliter la mise en œuvre des conclusions de ses dialogues qui est pourtant une phase cruciale pour la décrispation de la situation crisogène et du climat politique très souvent négligée ou enterrée par le régime guinéen. 

Le dialogue demeure néanmoins une des solutions aux problèmes guinéens, car il permet de ne pas rompre les liens entre les protagonistes.

L’exemple de la libération de l‘opposant camerounais Maurice Kamto qui avait revendiqué sa victoire lors des élections présidentielles de 2018 dans la foulée du grand dialogue national au Cameroun est la preuve de l’importance de ce genre d’initiative. Et il s’agit dans ce genre de situation de chercher à maintenir dans des situations de crise politique les liens de manière durable, afin de trouver des pistes de rapprochement ». 

Et dans un pays comme la Guinée, lorsque les protagonistes apprennent à jouer franc-jeu et surtout comprendre que la politique ne signifie pas haine, mépris, division. Alors élever la voix du dialogue, du consensus dans le respect des règles de jeux démocratiques, la faire triompher, pour que les guinéens apprennent à se parler, à travailler ensemble, dans le respect, la lucidité et la fierté de ce que nous sommes, «dialoguer » deviendra facile et très d’ailleurs. Il s’agira dans ce cas de mettre en place de bases solides de dialogue, et non pas  des apparences de dialogue, de ces miettes de dialogue que le gouvernement guinéen jette aux acteurs politiques guinéens juste pour faire croire à leurs partenaires internationaux, comme ils le font depuis 10 ans, qu’ils veulent dialoguer alors que, chaque fois, ils refusent de jouer franc-jeu. 

Mais lorsque la démarche vers le dialogue signifie comme de par le passé, faciliter le scellement de compromis et compromissions louches, des contournements des lois de la République, en les substituant à des accords politiques. Des agissements qui ont pourtant conduit pendant les deux mandats du président Alpha Condé à une faible crédibilité de la constitution et de la justice constitutionnelle guinéenne;  dialoguer dans ce cas signifierait tout simplement concourir à l’enracinement de l’autoritarisme. 

Il faut surtout savoir qu’en tant qu’homme politique, que s’il y a le temps pour la concertation, le dialogue, il existe aussi à un moment donné un temps de la décision. Si vous ne comprenez pas cela renoncer à faire de la politique. 

Faiblesse des institutions étatiques 

En somme, pour éviter que la Guinée ne continue de sombrer, il faut dès à présent œuvrer à ce que les institutions étatiques guinéennes soient fortes et consolidées. Car même si le dialogue est souvent salué comme étant une bonne initiative dans les crises politiques que connaissent les pays africains, le dialogue politique montre parfois ses limites. Non prévu par les textes constitutionnels, le dialogue illustre aussi le blocage des institutions étatiques, source de conflit et d’instabilité politique en Afrique. 

Il est alors temps de trouver d’autres moyens de faire face aux défis politiques auxquels nos démocraties, à l’état embryonnaire, sont confrontées. Et un État ne peut pas continuer à travers des tentatives de dialogue à régler des problèmes qui, normalement, auraient pu être gérés à travers le fonctionnement normal des institutions. Car si les institutions étatiques guinéennes étaient fonctionnelles et fortes, Mr. Alpha Condé n’allait pas faire de l’alternance démocratique en Guinée lettre morte et des opposants à son régime n’allaient pas être abattus pour fait de manifestation ou encore croupir en prison. 

 #Aissatou Cherif Baldé